Que faut-il retenir de cette oeuvre pour le bac de français ? Ce qui est particulièrement net ici, est que le roi n'a pas droit à fonder le mariage sur la passion, au même titre que la plupart de ses sujets, mais encore plus clairement qu'eux4. Elle ne dit pas tout de suite qu'elle aime un autre. Madame de Rosémilly, quant à elle, est directive, on voit qu'elle utilise l'impératif « Asseyons-nous », c'est elle qui décide du mariage alors qu'elle n'aime pas Jean ; elle est froide et calculatrice. C'est là que la princesse, exceptionnelle en tous points, comme son mari et bien plus encore que Nemours, devient un personnage à proprement parler. Le droit canonique et les moralistes qui l'interprètent parlent en effet, à ce propos, d'amicitia, entre mari et femme, une amicitia située entre l'amour et l'amitié, capable d'empêcher les débordements passionnels. En cela, Mme de Clèves suit les injonctions de sa mère en éprouvant «amitié » et «estime » pour son mari. Comme pour les rois, aucune alliance matrimoniale ne peut se fonder sur la passion, il est normal que ses sujets soient soumis au même principe. Cela permet de percevoir que le mariage de M. et Mme de Clèves est subtilement présenté comme en écart par rapport à la norme matrimoniale. On lira sur ce point comme sur d'autres, en particulier sur le statut du mariage dans la prédication, sur lequel je reviendrai plus loin, l'article de Wolfgang Leiner, «La princesse et le directeur de conscience, création romanesque et prédication », Papers on French Seventeenth Century Literature . Ce qu'elle veut, c'est s'éviter les souffrances qu'elle a déjà endurées lors de l'épisode de la lettre. Si Mme de Clèves a pu édifier un «fantôme de devoir » comme le lui reproche M. de Nemours, en réalisant à la lettre les paroles de sa mère (si l'amour tranquille des époux échoue, mieux vaut la retraite que la galanterie, au moins on vise à l'exception et on obtient le repos), c’est qu'elle a vécu, durant tout ce temps, un fantôme de galanterie. Elle est persuadée que celui-ci est l'amant de l'histoire mais ne voit pas dans quel embarras elle met la princesse. Mme de Chartres doit rabattre ses prétentions, c'est sûr, mais dans le même temps, elle change de position sur le mariage en acceptant la nouvelle stratégie matrimoniale de Clèves, c'est un nouvel écart. D'une certaine manière, elle déroge au nom de la passion. De plus, elle se persuade que ce rapport, cet amour-amicitia peut naître au cours de la relation matrimoniale. Elle a beau avoir refrisé de «s'embarquer » dans la galanterie, elle en a pourtant acquis l'expérience. En bon cadet, il sacrifiera aux les volontés paternelles, quoi qu'il lui ai coûte. La Princesse de Clèves est un roman de Marie-Madeleine de La Fayette, d'abord publié anonymement en 1678. Elle a reçu une éducation exemplaire et se montre très vertueuse. Sujets tous les trois à la confusion des statuts et des sentiments, les trois personnages principaux emprunteront tous trois des solutions différentes : Clèves vivra jusqu'au bout sa passion maritale et mourra de cette confusion; Nemours, un moment douloureux, reviendra dans le monde; et Mme de Clèves, parce qu'elle frôle la mort, saura combattre, grâce à cette expérience, sa passion dangereuse 15. Les rois sont l'une des images privilégiées de ce thème. Princesse de Clèves reste encore un thème qui laisse beaucoup de marge d’analyse. En adoptant ce type de morale religieuse interdisant absolument la galanterie 13 d'une part, mais, en admettant, d'autre part, que Clèves, passionnément amoureux, épouse sa fille, elle se met doublement en écart par rapport aux normes qui régissent la cour. Le corpus se compose de trois textes, portant tous sur le personnage de roman. Puisque rien n'est possible dans l'univers des lois humaines, puisque rien non plus n'est possible hors de ces lois si l'on s'en tient au champ séculier, Mme de Clèves suit et dépasse l'avis de sa mère : non seulement elle fuit le monde, mais encore elle surmonte sa passion affaiblie par l'expérience de la mort et tourne son âme vers Dieu, seule, «dans une retraite et des occupations plus saintes que celles des couvents les plus austères ». Ce qui va permettre une première brèche dans ce système, c'est que les partis qui se présentent sont des cadets, et qui plus est, des cadets amoureux. Encore plus révélatrice est cette phrase dite lors du premia-aveu de madame de Clèves : lui, le mari affirme : «J’ai tout ensemble la jalousie d'un mari et celle d'un amant, mais il est impossible d'avoir celle d’un mari après un procédé comme le vôtre ». Pour les besoins de la démonstration, Mme de Lafayette fait alors mourir l'un des seuls personnages inventés de son roman. Étouffée entre l’étau de ses sentiments pour Nemours et sa conception morale de la vie, la princesse de Clèves avoue à son mari sa passion pour Nemours. Commentaire, la princesse de Clèves. Mademoiselle de Chartres l'épouse sans être amoureuse de lui. Premier roman d’analyse reconnu de l’histoire, cette nouvelle marqua un point déterminant dans l’essor de ce style littéraire. Or, cette institution a connu, aux XVIème et XVIIème siècles, de tels bouleversements, a fait l'objet de telles interrogations, de tels affrontements qu'un grand historien du droit canonique, Jean Gaudemet, n’hésite pas à parler de «crise du XVIème siècle» et à qualifier le XVIIème comme celui des «apparences trompeuses »1. La Princesse de Clèves est paru en 1678 sans nom d’auteur car le roman est un genre déconsidéré à cette époque. Une fille sans père, un cadet affranchi de la puissance paternelle, une veuve cherchant à combler l'absence des instances religieuses, ce roman brille par les manques qu'il semble dénoter à plaisir. Les choses en sont au point que «personne n'osait plus penser à Mlle de Chartres par la crainte de déplaire au roi ou par la pensée de ne pas réussir auprès d'une personne qui avait espéré un prince du sang ». Cependant, ce n'est pas toujours la personne amoureuse qui demande de se marier ; on remarque que dans Pierre et Jean, c'est Madame de Rosémilly qui demande un mariage qui est en réalité un mariage d'intérêts « que vous êtes ennuyeux », « parler d'affaires », « Si vous vous décidez aujourd'hui à me déclarer votre amour, je suppose naturellement que vous désirez m'épouser ». Quoi de plus étranger en apparence à l'univers de la littérature romanesque que les arcanes juridiques, les débats de doctrine, les arguties de la jurisprudence, les règles procédurières ? Le texte de Lafayette décrit une demande en mariage conforme à la tradition ; l'homme demande la femme en mariage puis refait la demande chez les parents de celle-ci « ce prince fit parler à Mme de Chartres », « Les articles furent conclus », c'est un couple respectueux. En effet, Madame de Lafayette écrit des analyses psychologiques qui sont novatrices pour l'époque. Extraordinaire parce que plus galant, plus beau, plus courtisan, plus tout enfin que tous ceux qui font la cour, Nemours devient extraordinaire en s'écartant extraordinairement de ce qui l'a façonné : l'homme de cour devient un amoureux surprenant. Sa transgression est double dans la mesure où il ne respecte ni le code de son rang (le choix paternel), ni les règles du mariage (on ne se marie pas par amour, en tout cas pas prioritairement par amour, et l'on veille d'abord aux intérêts de sa maison). Comprendre que la description du mariage de cour dans La Princesse de Clèves s’organise autour des principales interrogations et des bouleversements majeurs qui sont venus mettre en cause la signification de l'institution matrimoniale, a évidemment un intérêt pour l'analyse littéraire. La Réforme, refusant de considérer le mariage comme un sacrement, rompt avec la doctrine qu'enseigne l'Eglise catholique depuis le XIIIème siècle et qui donne sa cohérence à la discipline matrimoniale qu'elle a imposée jusqu'alors. On l'a vu dans ses conseils à Sancerre, on le voit à de nombreuses reprises dans le roman. Dès le premier regard adressé à sa future femme, Clèves mêle les deux statuts sans choisir l'un ou l'autre : il crut que «c'était une fille, mais ne lui voyant point de mère, et l'Italien qui ne la connaissait pas l'appelant Madame, il ne savait que penser ». Le concile de Trente, d'abord hésitant puis cédant en partie devant les instances de la noblesse française (en particulier du cardinal de Lorraine) devra tenir compte de cette position en exigeant la publicité du mariage et l'intervention de témoins, mais sans sanction de nullité, et en proposant le consentement des parents sans non plus sanction de nullité à moins de faire preuve d'un rapt De 1556 à 1670, ce mouvement s'amplifie et la puissance royale, à travers l'ordonnance de Blois, en 1579, puis la déclaration de Saint-Germain, en 1639, organise une mise en place extrêmement précise et contraignante du pouvoir des pères afin de remédier à «la licence du siècle » et à la «dépravation des mœurs » (Déclaration de Saint-Germain). Jusqu'au mariage entre les deux jeunes gens dont on nous dit pourtant qu'il est consommé, mais qui ne produit aucun fruit, ce qui le rend condamnable et pour la société (il faut un héritier) et pour l’Eglise (le lien sexuel doit être productif). La solution que propose Clèves est alors de quitter «le personnage d'amant ou de mari, pour la conseiller et pour la plaindre » en lui montrant «estime » et «reconnaissance »6. Précisons-le d'emblée, il n'est pas question pour les héros de ferrailler contre la norme socialement admise, de consister sa validité pour d’autres qu'eux-mêmes. Sancerre, ami de M. de Clèves, tombe amoureux de Mme de Toumon et envisage de l'épouser «quoi qu'il fut cadet de sa maison, et très éloigné de pouvoir prétendre un aussi beau parti ». Par abrl • 23 Juin 2016 • Analyse sectorielle • 657 Mots (3 Pages) • 2 174 Vues. Les autres exemples de la cour qu'elle donne dans son tableau liminaire et dans toute la première partie de ce texte ne font que confirmer ce jugement. Elle parle de la "cour", puis de "faiblesse". Car l'alliance ne nie pas la passion. Au début du roman, Mademoiselle de Chartres a seize ans lorsquelle est introduite à la cour. De là son destin individuel qui la place hors du monde. Notes Jean Gaudemet, Le Mariage en occident, Les éditions du Cerf, 1987, p. 277-374.Littératures Classiques, supplément au n° de janvier 1990.; On consultera à ce propos l'ouvrage de Roger Duchêne, Madame de Lafayette, Fayard, 1988. Là comme ailleurs, la passion conjugale exclut la paix des ménages et des Etats et s'exclut proprement des rapports matrimoniaux. Clèves n'est plus fils, et devient mari et amant. C'est pourquoi, ne ressentant ni répugnance ni inclination pour Clèves elle a à cœur d'épouser ce jeune homme dont sa mère dit tant de bien, et de se conformer à ce qu'est le mariage-contrat dans la société nobiliaire. La Princesse de Clèves est un roman qui se divise en 4 parties et facilite l'analyse en cours francais. • Sur le plan du droit, le XVIème siècle voit s'effondrer la doctrine classique des canonistes selon laquelle c'est la volonté des époux qui crée le mariage. Il s'agira de montrer comment ces demandes en mariage caractérisent les personnages. Et à la mort du roi, quand disparaît le pivot du système, «la cour (change) entièrement de face ». Son frère aîné est encore plus intéressant, parce qu'il est à l'origine, et Mme de Lafayette le sait fort bien, de l'important édit de 1556. Nevers meurt donc au bon moment et la narratrice affirme de manière surprenante, que les enjeux familiaux et politiques n'existeraient soudain plus puisque Clèves a «une entière liberté de suivre son inclination ». Ainsi, le mariage de Mme de Clèves n'échappe à aucune des catégories connues et pourtant ne s'inscrit nulle part véritablement Mme de Clèves apprend, l'espace d'un peu plus d'un an, à distinguer les différents états du mariage pour tous les refuser. Extrait tiré de : Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1678 (acheter l’œuvre) Extrait proposé par : Ministère de … Elle explore avec minutie les sentiments qui les animent. «Droit et fiction », une telle mise en relation peut surprendre. Car Clèves ne pense pas à la galanterie. Le prince dauphin, fils du duc de Montpensier paraît souhaiter le mariage, mais l'intrigue veille et Mme de Valentinois réussit à traverser les plans du Vidame et de Mme de Chartres. Ce seront ses derniers mots. Le Prince de Clèves est également craintif ; il a peur que mademoiselle de Chartres ne l'aime pas « Ce qui troublait sa joie, était la crainte de ne pas lui être agréable ». Mme de Lafayette utilise cet espace initial fondé sur un manque, une vacuité du pouvoir du lignage, pour mettre en place d'autres systèmes que celui du mariage pacte de famille. Au lieu de se conformer au pouvoir paternel en matière de choisir lui-même. Il trouve ainsi en Mme de Chartres une partenaire à ses infractions puisqu'elle accepte la passion de Clèves et conseille sa fille en la laissant choisir. En effet, cette stratégie matrimoniale s'oppose aux règles en vigueur : alors qu'il sait, compte tenu des trois refus préalables, qu'on ne la lui refusera pas, Clèves se déclare à Mlle de Chartres, veut son consentement et son cœur avant d'entretenir sa mère, tout cela au nom de la passion qu'il a conçue pour elle et sur laquelle il entend bien fonder son mariage : «Ce qui troublait sa joie, était la crainte de ne lui être pas agréable, et il eût préféré le bonheur de lui plaire à la certitude de l'épouser sans en être aimé ». -Comme mari, il risquerait d'y perdre sa réputation. Quelque temps plus tard, elle rencontre, lors dun bal royal, le Duc de N… Synthèse sur la Princesse de Clèves (Compléments) 1. La galanterie n'est pas conçue comme une infraction socialement condamnable, mais comme un malheur radical, qui interdit l'accès au bonheur pur. Or Clèves, le jeune Clèves maintenant sans père, donc sans chef de famille capable de lui imposer une théorie reconnue du mariage, confond tout et veut même se tromper sur cette confusion. Dans la mesure où il a pris femme, il est absolument lié aux lois politiques. Drame pour la politique matrimoniale de Mme de Chartres... Celle pour qui l'on avait refusé plusieurs partis, avant l'histoire que conte le roman, se trouve prise dans les relations de politique courtisane qui régissent sa propre maison. Ce type de promesse entraîne dans la législation du temps une obligation, en particulier lorsqu'il y a «consommation » de la promesse. En effet, le vaste tableau des affaires de la cour de la première partie du roman montre à l'envi qu'il est avant tout question, dans la société de cour, des alliances matrimoniales conçues comme affaires publiques intéressant la gestion de l'Etat. Le récit est composé en quatre parties qui correspondent aux quatre volumes de l'édition originale. Mademoiselle de Chartres accepte ce mariage de raison. Il n'y a pas pour madame de Chartres, ainsi que pour l'ensemble de la société, de confusion à faire entre la passion et amour-.